L’exposition « ∞ > ∞ » que l’on pourrait traduire par « un petit infi ni plus grand qu’un infi ni plus gros » prend pour point de départ le programme moderne de la galerie Le Minotaure et les contraintes de sa petite superficie. Elle s’organise autour des oeuvres de Carl Strüwe (1898-1988), photographe allemand, pionnier de la microphotographie artistique.
L’art a souvent su rendre envisageable par l’oeil ce que le cerveau ne pouvait concevoir auparavant. Cette quête de la connaissance, aux frontières de l’art et de la science nécessite l’investigation de phénomènes se déroulant à différentes échelles.
Les images de Strüwe sont des interprétations surprenantes de l’invisible dont les compositions
abstraites se trouvent toutefois en accord total avec les préoccupations des avant-gardes. Il utilise des outils scientifi ques simples, principalement le microscope, pour élaborer des points de vue d’une réalité concrète dans lesquels l’imaginaire se projette aisément.
Ses images de l’invisible témoignent d’une grande curiosité et d’un sens de l’humour inattendu. Ainsi
des photographies de « Langue d’escargot comme profi l de lime »(1927) et de « Dessin de toupie,
clair-obscur métallique » (1952) côtoient dans l’exposition d’autres oeuvres d’un monde tout aussi
expérimental et non dénué d’esprit.
Des rapports similaires apparaissent dans les pièces contemporaines avec un néphrolithe, petite
production sculpturale de 2009 de l’artiste Hugues Reip titrée « Arrière-pensée », ou « true spirit » 2002, moulage de l’effervescence d’une aspirine de Maxime Rossi.
Dans un registre plus artisanal, Jean-Marie Appriou propose un petit objet domestique en grès dont
l’émail révèle un savant mélange d’énergies cosmiques, Laurent Le Deunff un étrange coquillage en
spirale sculpté en forme de dent.
Plus scientifi quement référencé, Aldéric Trével présente « quintessence », cinq dés reprenant les cinq
solides de Platon, Stéphane Magnin la formule du rayon de Swarschild, R = 2GM/c², gravée sur une
tête d’épingle et Bruno Peinado révèle une minuscule sculpture représentant une des premières étapes
du Big Bang.
Parmi d’autres jeunes artistes, Marcel Duchamp, lui aussi au fait des sciences, joue ici une fois encore, le rôle de passeur de fl uides avec le fameux « bouche évier ».
Chaque oeuvre nous projette dans la représentation d’environnements où la nature semble structurée
à toutes les échelles, du microcosme au macrocosme. Ces enchainements d’effets télescopiques ont
été merveilleusement exploités dans « The power of ten » (1977), un documentaire de Charles & Ray
Eames.
Cette exposition permet une amorce plus modeste pour se risquer à l’infi ni en mettant à disposition des
oeuvres qui nous permettent de relativiser plus facilement les échelles.Nous pouvons envisager des théories, rêver de découvrir le secret de l’unité de la matière ou écrire un récit complet de l’univers. en attendant de percer le mystère des origines, il y a ici la possibilité de rendre compte quelque peu de la continuité du réel.