Pour le printemps 2023, la Galerie Le Minotaure prépare une retrospective de Vladimir Baranoff-Rossiné, musicien, peintre et sculpteur d’avant-garde, né en 1888 un Ukraine, à Kherson, dans une famille juive et mort à Auschwitz en janvier 1944. Cette exposition – rassemblant les oeuvres en provenance de la famille ainsi que d’importantes collections européennes et américaines – retracera toutes les périodes de la vie de l’artiste.
La première embrasse les années 1904-1910. Baranoff-Rossiné fait alors ses études à Odessa et à Saint-Pétersbourg. Il participe aux premières expositions des avant-gardes russes et ukrainiennes à coté de Mikhail Larionov, Natalia Gontcharova, les frères Bourliuk… Les oeuvres de cette époque reflètent leurs fascinations communes pour les premières avant-gardes européennes, l’impressionnisme et le post-impressionnisme.
En 1910, comme beaucoup de ses compatriotes, Baranoff arrive à Paris. Il commence tout de suite à exposer aux Salons d’Automne et des Indépendants les oeuvres qui révèlent sa maîtrise du langage cubo-cézannien et son sens atavique de la couleur.
Baranoff-Rossiné Vladimir, Le bois, oil on canvas, 69.5 x 50 cm (27 12 by 19 34 in.)
A La Ruche, où il habite depuis 1912, ou encore chez la Baronne d’Oettingen il côtoie les avant-gardes de l’époque, les cubistes et les futuristes notamment, dont témoignent, entre autres, les autoportraits de l’artiste : celui de 1910 – cubo-futuriste – que notre galerie a vendu en 2020 au Centre Pompidou, ou celui de 1913 – cubiste – faisant partie de l’exposition actuelle.
Etant aussi très proche de Sonia et Robert Delaunay, Baranoff est fortement stimulé par leurs expérimentations lumineuses, et surtout par l’orphisme de Robert qui a imprégné deux cycles d’oeuvres de la période : Adam et Eve et Apocalypse. Avec eux, sous l’influence des Delaunay, l’artiste entame ses recherches visant à lier la peinture à la musique.
De cette deuxième série nous allons exposer le chef-d’oeuvre monumental de l’artiste Apocalypse Verte, 1912 (130 x 162 cm) qui semble annoncer la Guerre mondiale et le Révolution russe qui approchent à grands pas… Nous y retrouvons les reminiscences à la fois des Baigneurs de Cézanne que des styles de Larionov, Gontcharova et Bourliuk.
A partir de 1913, Baranoff commence à franchir le seuil de l’abstraction mais aussi à expérimenter dans le domaine de la sculpture (quasiment en même temps que Braque et Picasso qui réalisent leurs premiers objets entour de 1912-13) dans l’idée d’arriver à une oeuvre d’art totale, dépassant les frontières entre la peinture, la sculpture, l’architecture et la musique. Au salon des Indépendants de 1914, il présente une sculpture non objective, assemblage de matériaux bruts peints de couleurs vives, remarquée par Apollinaire dans L’Intransigeant (28 février et 5 mars 1914), qui évoque à son tour les Contre-Reliefs de Tatline.
Dans la même optique, et en rapport avec les recherches communes de Wassily Kandinsky et Arnold Schönberg sur la synesthésie, les associations entre sons et couleurs, Baranoff met aussi au point un appareil de « projection visualo-colorée » qui lui permet de donner ses premiers « concerts lumineux » en Norvège (1916) pour laquelle il quitte Paris avec l’éclatement de la Guerre. Cette invention annonce la création du Piano optophonique en 1920-1923 (Centre Pompidou) « projetant dans l’espace ou sur un écran des couleurs et des formes mouvantes et variées à l’infini, dépendant absolument, comme dans le piano sonore, du fonctionnement des touches » (Baranoff-Rossiné, L’Institut d’art opto-phonique, 1925).
Sous une apparence traditionnelle de piano droit à clavier, l’instrument de Baranoff dissimule un dispositif mécanique constitué de disques peints par l’artiste (dont nous allons montrer un dans le cadre de notre exposition), complété par un ensemble de prismes, de lentilles, de miroirs, d’une source lumineuse et d’un écran de projection. Les images mouvantes sont projetées sur l’écran au rythme de la musique émise par les disques.
Finalement, nous allons exposer plusieurs oeuvres réalisées par l’artiste après son retour définitif à Paris en 1925 (en 1917, il revient en Russie pour s’investir dans le mouvement révolutionnaire) marquées par la montée en force du surréalisme et les recherches biomorphes des avant-gardes de l’époque. Tant dans ses oeuvres figuratives qu’abstraites nous retrouvons alors des formes organiques proches de celles utilisées par Salvador Dali, Juan Miro, Yves Tanguy mais aussi Fernand Léger.
L’exposition est organisée en collaboration avec Jean-Claude Marcadé, spécialiste de l’avant-garde russe, et sera accompagnée d’un catalogue.