À la rentrée 2023, la Galerie Le Minotaure présentera sa troisième exposition de Chuta Kimura, peintre japonais de la Deuxième École de Paris. Il s’agit d’un hommage que la galerie fait aux premiers défenseurs de l’artiste. Dans leurs rangs nous comptons notamment les galeristes Jacques Zeitoun (galerie Art Vivant, galerie Kriegel) et Antoine Sapiro, père de Benoit Sapiro (galerie Kriegel et galerie Sapiro) ainsi que les critiques Pierre Cabanne et Max-Pol Fouchet (préfaceurs des expositions à la galerie Kriegel en 1975 et 1977).
Chuta Kimura arrive à Paris en 1953, à l’âge de 36 ans. Après la Seconde Guerre mondiale, lorsque les frontières deviennent à nouveau plus poreuses, comme beaucoup d’artistes du monde entier, lui aussi veut tenter ses chances dans la Ville Lumière et réaliser ainsi son « rêve d’occident ». La scène parisienne étant elle-même saturée et confrontée à la naissance de nouveaux centres artistiques souvent plus ouverts et accueillants, ses débuts ne sont pas faciles. Sans ressources, sans connaissances dans le milieu, sans mécène, mais aussi sans persévérance et force de caractère même le plus grand talent risque de passer inaperçu.
Alors qu’avant 1953, Kimura n’a que très peu exposé et ceci uniquement au Japon (il est mobilisé en 1937 et 1945), en arrivant à Paris, il a cette « chance » de trouver non seulement un mécène grâce à qui il peut louer un atelier, mais aussi des galeristes et des critiques qui deviendront vite ses amis et soutiendront son œuvre, malgré l’incertitude de cet engagement. D’autant plus que dans le champ artistique l’heure est plutôt au rejet, voire le déni affirmé du passé, et Kimura, à contre-courant, s’affirme comme « un successeur de Monet » et veut « transformer l’héritage de la grande tradition picturale française » en réalisant « [l’]accomplissement de l’Impressionnisme », symbole de l’académisme honni par les avant-gardes de l’époque. C’est d’ailleurs le cas non seulement en Europe et aux États-Unis, mais aussi au Japon où en 1956 – l’année de la première exposition de Kimura en France – est publié le Manifeste de l’art Gutai qui considère l’art du passé comme « une supercherie », un « tas de simulacres », « des fantômes trompeurs qui ont pris les apparences d’une autre matière : magie des matériaux — pigments, toile, métaux, terre ou marbre… »[1]
L’exposition sera accompagnée d’un catalogue dans lequel nous reprenons et traduisons pour la première fois en anglais les textes de Jacques Zeitoun, Pierre Cabanne et Max-Pol Fouchet qui accompagnaient les expositions de Kimura dans les années 1970 ainsi qu’un petit texte « manifeste » de Kimura lui-même, rédigé pour l’exposition de 1973.
[1] Jirô Yoshihara, Manifeste de l’art Guta (Gendai bijutsu sengen), 1956.