• Issachar Ber Ryback

    mars 23, 2022

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Issachar Ber Ryback

Entre le 26 mars et le 4 juin, les galeries Le Minotaure et Alain La Gaillard accueilleront dans leurs deux espaces l’exposition monographique d’Issachar Ber Ryback (1897-1935), artiste majeur de l’avant-garde juive des années 1910-20, élève d’Alexandra Exter et l’un des principaux animateurs de la Kultur-Lige – organisation créée à Kiev en 1918, dédiée à la construction et au rayonnement d’une nouvelle culture juive, fondée sur la synthèse des traditions culturelles nationales et mondiales. L’exposition est organisée en collaboration avec le Musée Ryback (Bat-Yam, Israël) et le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme (Paris). Ce dernier – à partir du 8 mars – présentera un accrochage spécifique consacré à l’artiste pour lequel le musée de Bat-Yam prête 5 toiles majeures provenant de sa collection ; 5 autres pièces seront exposées dans les deux galeries parisiennes.

L’exposition est concentrée sur la période avant-gardiste de l’œuvre de Ryback, s’étendant entre 1916 (l’année de son voyage avec El Lissitzky dans les bourgades biélorusses pour réaliser des croquis de synagogues, collecter et copier des œuvres de l’art populaire juif) jusqu’en 1926 (l’année de son arrivée à Paris). Elle est divisée en 6 parties relatives aux différents aspects du travail de l’artiste.

La première est consacrée aux projets d’éditions pour la Kultur-Lige et aux dessins d’ornements populaires juifs réalisés par Ryback lors de son voyage en Biélorussie avec El Lissitzky en 1916 qu’il a continué, seul, entre mai et septembre 1917 à la demande du Comité central ukrainien pour la protection du patrimoine historique et artistique. Suivant une méthode de son invention, Ryback a essentiellement reproduit les pierres tombales des anciens cimetières juifs, en rapportant des motifs rares et précieux de l’art plastique populaire juif, inspiré par une croyance en un lien organique de l’artiste moderne avec le passé et la tradition artistique de son peuple. Les croquis de cette époque alimenteront sa créativité postérieure y compris des illustrations pour les livres, surtout dans les années 1917-19.

Dans la deuxième partie seront exposées les illustrations pour les livres pour enfants en yiddish réalisées par Ryback en 1922, notamment pour Mayselekh far kleynininke kinderlekh (Petites histoires pour les enfants) de Miriam Margolin, In vald et Foyglen de Leib Kvitko. Les partis pris graphiques de Ryback dans ces projets montrent les différents usages qu’il a pu faire des images et des motifs de l’art populaire juif. Ces illustrations occupent une place particulière non seulement dans l’art graphique l’artiste, mais aussi dans l’histoire de l’art du livre juif et mondial. Leur innovation fondamentale réside dans l’utilisation du style du dessin des enfants ce qui n’était pas le cas des autres artistes d’avant-garde, entre autres les futuristes russes, qui aussi illustraient des ouvrages destinés aux plus jeunes lecteurs. Dans le souvenir de sa veuve, Ryback « adhérait au principe selon lequel il fallait donner aux enfants des dessins tels qu’ils pouvaient les faire eux-mêmes. Et les enfants acceptaient ses dessins comme les leurs. Ryback a été très heureux que le petit fils de Dovid Bergelson, Leïvik, lui dise un jour : “Papa, moi aussi je sais dessiner comme Ryback.” Les enfants l’ont compris dans son art et l’ont aimé dans la vie. »

La troisième partie est dédiée au projet « Shtetl » (la bourgade juive existant en Europe de l’Est avant la Seconde Guerre mondiale), l’album publié en 1923 à Berlin présentant différents personnages et scènes de la vie de la communauté. Les dessins de cette série sont probablement les œuvres les plus connues de Ryback, ils sont souvent considérés comme des œuvres d’art populaire. L’artistes y effectue une sorte de réhabilitation du shtetl. Alors que dans les représentations habituelles, il apparaissait comme un monde de « petites gens » arriérés, dominé par l’obscurantisme et la superstition, un lieu sombre et morne, dépourvu de lumière vive et d’air frais, pour Ryback il est non seulement un objet d’admiration artistique, esthétique, mais aussi un milieu empli d’énergie vitale. Les peintures de 1917 qui représentent la bourgade ou relèvent de la scène de genre regorgent de qualités. En outre, tout en conservant l’authenticité et la précision « ethnographique » des détails des lieux réels et de leurs habitants, Ryback ne les rend pas concrets, mais les réinterprète dans une image générale. Dans son imaginaire, le shtetl constitue le foyer d’une civilisation originale, dans laquelle il joue un rôle essentiel, à l’instar du rôle qu’ont joué les villes dans le développement culturel de l’Europe antique et chrétienne.

La quatrième montrera les œuvres de la série « Pogroms » constituant une chronique sanglante de la vague de pogroms ayant lieu en Ukraine en 1919, pendant laquelle le père de Ryback a été assassiné. Le traumatisme que cet événement a provoqué chez l’artiste transparaît dans les aquarelles d’une sincérité sans précédent qui représentent des scènes de violence sanglantes opposant les pogromistes et leurs victimes. Elles terrifient le spectateur par leur naturalisme. Ryback s’y appuie sur des événements réels et des témoignages documentaires, en les incarnant dans une imagerie populaire, « folklorique », qui remonte à la fois à l’imagerie ukrainienne et à la tradition de la littérature populaire juive en yiddish, qui a préservé dans la mémoire collective l’histoire du martyre juif et de la mort pour la foi à l’époque des massacres et des persécutions.

La cinquième partie sera consacrée à l’œuvre pictural de Ryback qui développe son idée de combiner l’art populaire juif avec l’avant-garde artistique, notamment le cubisme et l’expressionnisme. La critique de l’époque reconnaissait sa maîtrise formelle, la « résonance » de son art avec l’esprit de l’époque, l’importance des thèmes de ses œuvres, leur profondeur et leur singularité. Les articles parus dans des publications de l’époque, considéraient les peintures cubistes de Ryback, ses « abstractions mystiques », comme une étape importante dans le développement de l’art juif contemporain et y voyaient une nouvelle version originale d’un style moderniste populaire. Ses découvertes artistiques sont indissociables des réalisations du nouvel art juif d’avant-garde, au sein duquel son nom doit être placé au premier rang, aux côtés de ses plus grands représentants, tels Marc Chagall et d’autres très célèbres artistes juifs de cette génération.

Finalement, la dernière partie est consacrée aux projets de décors de scène et de costumes pour le théâtre yiddish, autre activité importante de Ryback. L’artiste s’intéresse à la scénographie encore à Kiev, lorsqu’il fréquente l’atelier d’Alexandra Exter qui passait à l’époque pour l’une des réformatrices les plus radicales et les plus originales de l’art des décors théâtraux russe. Ryback a fait ses débuts de scénographe au studio de théâtre de la Kultur-Lige. Pour sa première mise en scène, le studio a choisi la pièce symboliste Machiah ben Yossef, de Beïnouch Steiman pour laquelle il réalise la scénographie, les esquisses des costumes et la maquette des décors en suivant les grands principes de scénographie énoncés par Exter : le mouvement des surfaces de couleur et la construction tridimensionnelle des décors composés de plates-formes de différents niveaux et profondeurs, permettant la réalisation simultanée de plusieurs jeux de scène. Il développe ces recherches en 1924 à Moscou et en 1925 à Kharkov et Minsk, toujours pour la Kultur-Lige. Les costumes qu’il conçoit pour les personnages sont particulièrement inventifs et pleins d’esprit, évoquant souvent des masques de la Commedia dell’arte. Ryback n’a pas limité son rôle à une fonction auxiliaire de « concepteur » de l’idée du réalisateur, mais a activement influencé l’intégralité de la mise en scène. En façonnant l’espace scénique, il a de fait déterminé le style du spectacle, la dynamique des jeux de scène individuels et la plasticité motrice des comédiens. Cette position créative correspondait aux principales tendances de la scénographie d’avant-garde, auxquelles Ryback a donné un développement original.

En 1926, l’artiste s’installe à Paris où il travailla jusqu’à la fin de sa vie (1935) en s’approchant davantage du style de l’École de Paris.

L’exposition va être accompagnée d’une importante (et la première) monographie de l’artiste en trois langues (français, anglais, russe) avec les textes de Hillel Kazovsky, spécialiste des artistes de la Kultur-Lige et Hila Cohen-Schneiderman, directrice du Musée Ryback.

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Issachar Ber Ryback

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