L’exposition universelle de 1900 est la première rencontre importante des Français avec l’art russe représenté par les peintres Valentine Serov, Konstantin Korovine, Filippe Maliavin, toutefois rapidement oubliés. Ce n’est qu’avec les « Saisons russes » de Diaghilev organisées entre 1909 et 1929 que commence un vrai engouement pour le « style russe » et une vraie présence russe en France. Désormais, les artistes venus de l’Empire deviendront des acteurs non seulement actifs mais avant tout pionniers des tous les mouvements d’avant-garde ayant marqué le XXème siècle. Pour la rentrée 2019, les galeries Le Minotaure et Alain le Gaillard proposent une exposition autour des artistes russes de la Deuxième École de Paris : Serge Charchoune, André Lanskoy, Nicolas de Staël, Serge Poliakoff et Youla Chapoval.
En 1933, Wassily Kandinsky s’installe à Paris, après avoir quitté Bauhaus suite à sa fermeture liée à la montée du nazisme en Allemagne. Il termine alors une phase géométrique de son œuvre, adoptant une approche complètement abstraite, aux formes curvilinéaires et organiques.
Après la guerre, entre 1945 et 1960 une nouvelle vague d’artistes suit son chemin, y compris nombreux de ses compatriotes qui cherchent alors une voie vers l’abstraction autre que géométrique. On compte parmi eux : André Lanskoy, ensuite Nicolas de Staël, Youla Chapoval et Serge Poliakoff… Ils réclament en masse leur attachement au vocabulaire de Kandinsky s’inspirant du déroulée de sa carrière et se réunissent souvent à la galerie Jeanne Bucher. Dans ce paysage, Serge Charchoune fait une deuxième figure « paternelle » en tant que celui qui dès les années 1910 participait aux mouvements avant-gardistes tels que dada et purisme, commençant après la Seconde Guerre une série des toiles inspirées de la musique, souvent monochromes.
Après la mort de Kandinsky (1944), c’est Lanskoy qui devient le « guide » des jeunes peintres. Il est le premier parmi les artistes de la Deuxième École de Paris, à franchir le pas de l’abstraction déjà pendant la guerre, entre 1940-44. Sa toile L’intérieur divisé est caractéristique pour cette période par ses formes amollies, souples, coulantes et plus naturelles, se référant toutefois toujours à la réalité.
L’influence qu’il exerça sur ses compatriotes se voit très bien sur l’exemple de Nicolas de Staël. Les deux artistes se rencontrent l’année de la mort de Kandinsky (ils porteront d’ailleurs tous les deux son cercueil), lors de l’exposition Gouaches et toiles d’André Lanskoy à la galerie Jeanne Bucher. Plus tard, dans les années 1950, Lanskoy – attaché dans le fond au sujet – se laisse dépasser par les plus jeunes. Tandis qu’il se dirige vers ce que l’on appelle aujourd’hui l’abstraction lyrique – plus dansante, rythmée, avec une pâte allégée où la toile réapparait dans le fond –, les autres deviennent plus radicaux dans leur approche de l’abstraction. De Staël utilise des aplats beaucoup plus larges et épais qui font respirer la toile. Au début des années 1950, la jeune galeriste Dina Vierny, disciple de Jeanne Bucher, découvre le talent de Serge Poliakoff qui deviendra une autre star de la Deuxième École de Paris. Contrairement à Lanskoy et de Staël dont la peinture représente une approche plus informelle, ses recherches sont plus proches de l’abstraction géométrique.