VERONESI, LUIGI

  • Luigi Veronesi dans son atelier à Milan, années 1980. Courtesy : Comitato Luigi Veronesi & 10 A.M. ART, Milan

LUIGI VERONESI (28 mai 1908 – 25 février 1998, Milan) était photographe, peintre, scénographe et réalisateur de films expérimentaux, l’un des principaux protagonistes de l’art abstrait italien.

Dans les années 1920, il poursuit des études techniques et scientifiques (design de textile, photographie, mathématiques, physique), fréquente les intellectuels italiens associés à la revue Poligono et les artistes liés à la galerie Il Milione qui cherchent à renouveler l’art national dans l’esprit des avant-gardes européennes. À l’âge de 20 ans, il s’intéresse à la peinture et prend des cours auprès du peintre napolitain Carmelo Violante, alors professeur à l’Académie Carrara de Bergame. Parmi ses premières influences se trouvent bien évidemment les peintres futuristes bien qu’il ne s’identifie pas du tout avec leur engagement dans la défense du fascisme ni leurs idées nationalistes (pendant la Seconde Guerre Mondiale, il fera partie de la Résistance italienne).

A la fin des années 1920, inspiré par son père, Veronesi expérimente beaucoup avec la photographie, aussi sans appareil. En 1929, peu après Christian Schad (1919), Man Ray(1922) et Laszlo Moholy-Nagy (1922), il découvre pour lui la technique du photogramme qu’il va parfaire et développer dans les années à venir en s’affranchissant des contraintes de l’objectivité. Certains de ses réalisations vont être reproduites en couverture des magazines Campo Grafico et Ferrania.

En 1930, lors de la XVIIe Biennale de Venise, il découvre les œuvres de Wassily Kandinsky, Paul Klee et Oskar Schlemmer qui révèlent devant lui une nouvelle approche de l’art. Il se met alors à étudier les publications du Bauhaus qui le confirment dans sa voie vers l’abstraction et l’amènent à s’intéresser au travail des constructivistes russes. À cette période, il s’investit beaucoup dans le théâtre, réalisant des décors qui ne comportent aucun élément figuratif et des costumes minimalistes, réduits à quelques lignes fortes se rapportant au corpsdes acteurs comme s’il s’agissait d’une architecture. Du début des années 1930 datent également ses premières expériences avec le photomontage et le graphisme. En 1933, il rejoint notamment la revue milanaise Campo Grafico qui vise à révolutionner les modèles typographiques actuels dans l’esprit des enseignements d’Adolf Loos, De Stijl, de L’Esprit Nouveau et du Bauhaus.

En 1932, la Libreria del Milione présente la première exposition personnelle de Veronesi qui rassemble des gravures sur bois, encore figuratives. La même année, il voyage à Paris où il fait la connaissance de Férnand Léger, Georges Vantongerloo, Robert et Sonia Delaunay qui l’aident à clarifier sa pensée artistique. En rejoignant, deux ans plus tard, le groupe Abstraction Création, il devient un important intermédiaire entre les artistes milanais et parisiens : dans le n°4 des cahiers abstraction création, à côté de la gravure sur bois abstraite de Veronesi SR3 faisant partie de son exposition commune avec Josef Albers à la Galleria delMilione (1934) figurent aussi les œuvres de Lucio Fontana, Fausto Melotti, Mauro Reggiani, Virginio Ghiringhelli. En 1935, ils participent tous à la « Première exposition collective d’art abstrait italien » (organisée dans l’atelier des peintres Felice Casorati et Enrico Paolucci à Turin) et signent son manifeste. Cette année-là, pendant la visite de la collection Müller à Bâle, Veronesi regarde les œuvres d’Alexander Rodtchenko et El Lissitzky ; il rencontre aussi Laszlo Moholy-Nagy avec qui, il va par la suite entretenir une longue et riche correspondance. L’œuvre du Hongrois l’incite par ailleurs à combiner la peinture à l’huile et le photogramme en rajoutant des constructions géométriques sur des toiles traitées avec des substances photosensibles et exposées à la lumière. Il commence aussi à réaliser des photographies abstraites et des photomontages, voire à juxtaposer les deux.

Depuis la fin des années 1930, Veronesi est très actif dans le domaine du théâtre, du cinéma et de la musique. Entre 1938 et 1980, il réalisera neuf films expérimentaux et abstraits, peignant directement sur la pellicule (malheureusement, seulement de courts extraits de ces films ont survécu la guerre). Comme dans le cas des autres artistes d’avant-garde internationale, Wassily Kandinsky ou Frantisek Kupka, les recherches abstraites de l’Italien se font en lien direct avec la musique. En suivant la réflexion de Kandinsky selon laquelle la musique, grâce à ses fondements mathématiques et scientifiques, constitue un modèle pour les autres arts, il se penche sur les relations mathématiques entre les notes de musique et cherche à les traduireen relations tonales de couleurs, réalisant de nombreuses transpositions chromatiques despartitions musicales. En 1939, à la Galerie L’Équipe à Paris, il montre 14 variazioni di un tema pittorico (1936) qui inspirent le compositeur Riccardo Malipiero à écrire 14 variazionimusicali, jouées pendant l’exposition par la pianiste Nadja Tagrine.

Pendant la guerre, Veronesi travaille essentiellement dans le champ du graphisme et de la publicité mais aussi comme scénographe d’opéra et de théâtre. A la fin du conflit, il devientco-fondateur du groupe des photographes La Bussola qui se donne pour objectif de rompre avec le traditionalisme et de sortir de l’impasse de la photographie documentaire. En 1949, il adhère au Movimento Arte Concreta de Milan et en 1954, participe à l’exposition de l’art abstrait italien à la XXXIIIe Biennale de Venise. Les dernières années de sa carrière sont essentiellement consacrées à la scénographie et le théâtre, mais aussi à l’enseignement. Ildécède à Milan en 1998.

Le parcours artistique de Veronesi, quel que soit le domaine, est entièrement voué à la recherche de l’autonomie de l’œuvre d’art. Celle-ci se traduit selon lui non seulement par le refus de la figuration et l’adoption d’un langage visuels strict soumis à des principes rationnels, mais aussi par le rejet de la dimension métaphysique et politique de l’abstraction que d’autres mouvements de son temps pouvaient prôner.

Texte : Maria Tyl

ÉDITIONS

novembre 8, 2023 / EDITION 21

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LUIGI VERONESI