1894 – 1975 : Poète, homme de lettres, artiste et éditeur, réalisateur de livres parmi les plus beaux de l’art moderne, Iliazd est également l’auteur d’une œuvre poétique (sonnets), de dramaturgie en langage poétique abstrait (zaoum) et de romans tous écrits en russe. Édités en très petit nombre d’exemplaires, rares et recherchés, les livres d’Iliazd sont conservés dans les plus grands musées, bibliothèques et universités d’Europe, Russie et Amérique. Un exemplaire de tous ses livres est conservé au département des livres rares de la Bibliothèque nationale de France à Paris. Doué d’une prodigieuse mémoire, Ilia Zdanevitch manifeste très jeune des goûts pour les arts, la musique, la géographie, les mathématiques. En 1911, étudiant à l’université de droit de Saint-Pétersbourg il est introduit dans les cercles d’avant-garde et y expose la théorie futuriste, comme il le fera à Moscou où il accueillera en 1914 le futuriste italien Marinetti, et à Tbilissi en Géorgie.
En 1912, il découvre avec son frère Kirill et le peintre Mikhaïl Le Dentu le peintre naïf géorgien Niko Pirosmani (le « Douanier Rousseau géorgien ») et le fait connaître. L’essentiel de son ancienne collection se trouve maintenant conservé par le Musée national de Géorgie dans les sites de Tbilissi, Sirnaghi et à Mirzaani, village natal de Pirosmani. D’autres œuvres se trouvent dans des musées russes. En 1917, licencié en droit, il travaille brièvement comme rédacteur à la Douma russe. Revenu à Tbilissi, il fonde avec d’autres artistes le groupe futuriste de l’université du Degré 41, nouvelle école poétique avec l’apparition de la poésie zaoum. Il y crée alors les Éditions du 41° pour lesquelles il compose et réalise plusieurs ouvrages futuristes, se plaçant pour cela comme apprenti imprimeur.En 1920, Iliazd quitte la Géorgie, alors indépendante, pour Paris où il arrive en octobre 1921, après un an passé à Constantinople dans l’attente d’un visa. Iliazd loge chez Larionov et Gontcharova connus à Moscou, qui lui font rencontrer les artistes russes. Il fait aussi la connaissance de Picasso, de Robert et Sonia Delaunay, Max Ernst, Paul Éluard, Aragon, Breton, Tzara et des dadaïstes dont il sera compagnon de route. Dès son arrivée, il poursuit en France un cycle de conférences littéraires, débuté en Russie. De 1922 à 1936 Iliazd travaille dans les tissus et la mode, d’abord avec Sonia Delaunay puis de 1927 à 1935 avec Coco Chanel, avec laquelle il conservera des liens d’amitié et qui sera la marraine de sa fille. Il crée pour Chanel des modèles de tissus et dirige une de ses usines. Il travaillera dans ce milieu jusqu’en 1948, avec François Victor-Hugo connu chez Chanel. Iliazd est un des principaux organisateurs des Bals russes de Montparnasse qui réunissent l’ensemble du milieu artistique de l’entre-deux-guerres et de soirées dont celle du Cœur à Barbe, qui s’acheva en bagarre entre Tzara et Éluard, marquera la fin du mouvement Dada. À Paris il réside dans le Quartier latin, rue Mazarine. Il vit et travaille aussi dans le village de Trigance, dans le Haut Var, région qui lui rappelle les paysages de sa Géorgie natale ; il s’y intéresse à l’histoire locale, effectuant des recherches sur les anciens seigneurs du lieu et collectant des objets témoins de la vie traditionnelle. Iliazd édite en France au 41° vingt-cinq livres d’artiste, illustrés par les artistes majeurs de l’art moderne. L’ensemble de son œuvre sera imprimée à l’imprimerie Union et les gravures, eaux-fortes et autres techniques seront tirées dans les ateliers Lacourière-Frélault, Georges Visat ou Georges Leblanc. Le Dentu le Phare paraît en 1923, chef-d’œuvre et dernier de ses livres futuristes. En 1940, il édite Afat, premier d’une série de neuf ouvrages illustrés par Picasso, qu’il rencontre fréquemment dans le Midi et à Paris, qui viendra le voir à Trigance et sera, en 1968, son témoin lors de son mariage à Vallauris avec Hélène Douard. À la suite d’une polémique avec Isidore Isou et les lettristes, il réalise en 1949 Poésie de mots inconnus, anthologie de poésie phonétique illustrée par Picasso, Chagall, Matisse, Ernst, Giacometti, Miró, etc. En 1965, il édite Maximiliana, hommage à l’astronome Tempel, découvreur méconnu de planètes, livre illustré par Max Ernst. En 1968, l’Hommage à Lacourière, illustré par treize artistes, est publié à la demande de la Bibliothèque nationale. En 1974 paraît son dernier ouvrage, Le Courtisan grotesque, texte d’Adrian de Monluc, auteur du xviie siècle qu’il a redécouvert, avec des gravures de Joan Miró. Des expositions majeures d’Iliazd ont eu lieu au Centre Georges-Pompidou, au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, au MOMA à New York, à la Bibliothèque nationale italienne, au Musée national de Géorgie, à la Galerie de l’université du Québec à Montréal et ses œuvres sont régulièrement exposées dans le monde entier. Du 14 décembre 2015 au 14 février 2016 a lieu une grande rétrospective de son œuvre au Musée des Beaux-arts Pouchkine de Moscou, largement relayée par les médias russes. À l’occasion de cette exposition majeure est organisée, du 16 au 17 décembre, une conférence internationale. Un catalogue de 300 pages illustré en couleurs est édité à l’occasion. Protéiforme, Iliazd sera un spécialiste réputé des églises au plan en croix (édifices étoilés) qu’il recense et dont il réalise les plans en Géorgie, Turquie (en 1917 dans une partie conquise par l’armée russe, puis en 1921), Grèce, Crète, Espagne. Il interviendra régulièrement dans les congrès internationaux d’études byzantines. En 1954 et 1955, il collabore avec Marcel Duchamp pour l’édition d’une série de Boîtes-en-valise. À Vallauris, il s’intéresse à la céramique, dans le voisinage de Picasso, créant des œuvres originales.Il est inhumé en 1975 au carré géorgien du cimetière de Leuville-sur-Orge, parmi des dizaines de Géorgiens exilés qu’il avait connu à Tiflis au début du siècle.