1937 – 2012 : Peintre et dessinateur.
AUTOBIOGRAPHIE
Moi : Steinberg Edouard Arcadievitch, né à Moscou le 3 mars 1937.
Mon père : Steinberg Arcady Akimovitch ( 1907-1984 ), poète, traducteur, peintre.
Ma mère : Alonitcheva Valentina Gueorguievna ( 1915-1976 ), économiste.
L’année de ma naissance coïncide avec la première arrestation de mon père. Je me rappelle vaguement ce temps de guerre, les Allemands faits prisonniers et le départ de mon père pour le front puis sa disparition dans le goulag, après la guerre. Ensuite, l’école apparaît dans mes souvenirs. Durant un an, des études de dessins dans un cercle artistique de la maison de la culture. A la fin de la septième classe scolaire, j’ai commencé à travailler à l’usine et tour à tour, j’ai été ouvrier, gardien, terrassier pour finalement, devenir pêcheur.
En 1954, mon père revient du camp et s’installe à Taroussa, petite ville au bord de l’Oka, espèce de « Barbizon russe ». C’est là qu’ont vécu et fini leurs jours V. Borissov-Moussatov, V. Polenov, N. Krimov et beaucoup d’autres poètes et peintres russes ayant travaillé à Taroussa. De 1957 à 1961, je vis chez mon père à Taroussa. Ma mémoire est imprégnée de Taroussa. C’est ici que je commence à vivre et à travailler comme peintre. Mon père et ma mère m’encouragent dans mon amour de la peinture. En tant que peintre je conserve ma sympathie pour Borissov-Moussatov. Le monde d’A. Block, le roman de B. Pasternak « Le Docteur Jivago », le cycle poétique de Voronej d’O. Mandelstam – voilà la musique qui remplit mon espace artistique. Et, sans doute, c’est la vie de Van Gogh que j’accepte comme axiome pour moi-même.
Je considère les années 1957-1962 comme une période d’autodidacte. Sur les conseils de mon père, qui a accompli ses études de peinture à Vhoutemas (École supérieure artistique et théâtrale de Moscou), je copie aisément les classiques : les dessins de Rembrandt, de Callot. Je fais aussi de la peinture à l’huile : des paysages de Taroussa, des natures mortes, des portraits de mes amis. En outre, j’exécute une profusion de dessins, d’aquarelles, de gouaches qui sont tombés dans l’oubli.
Entre 1962-1965, je ne peins plus d’après nature, sauf quelques esquisses à l’encre de Chine. Ma vie et mon oeuvre sont influencées par la mort d’un être qui m’était très proche, la veuve d’un prêtre du pays, victime de ses anciens paroissiens à la fin des années vingt. Le sujet de la mort, l’image des funérailles et des mariages, à travers Vroubel, un autre peintre russe, sont une obsession dans mon oeuvre de cette période. Quelques toiles demeurent toujours dans mon atelier, la plupart sont chez mes amis, quelques-unes dans des collections privées, en France et en Italie.
En 1965, ma palette s’éclaircit. Les images de formes organiques, tels pierres, coquillages, têtes d’animaux morts, silhouettes de poissons et d’oiseaux succèdent à l’image féminine, substance de la beauté spirituelle chez V. Soloviev et A. Block, le pittoresque abstrait de la toile est toujours le même, mais je garde désormais une seule opposition dans l’espace : le Ciel et la Terre. Les tableaux de cette période sont dans mon atelier, dans la collection Gleiser à Paris et dans des collections privées aux USA et au Brésil. Le paysage, nature morte claire se transforme, vers le début des années soixante-dix, en compositions géométriques jouant de l’espace. Les formes organiques sont remplacées par la croix, le cercle, le triangle, le carré, le prisme, la sphère. C’est ainsi qu’apparaît la formule de ma conception intérieure. Elle entrave la discontinuité de l’analyse et introduit la synthèse des idées mystiques du symbolisme russe des années dix et les idées plastiques du suprématisme ou, plus exactement, les idées de K. Malevitch. Mon initiation au classicisme de l’avant-garde russe à eu lieu dans la maison de C. Costakis, au début des années soixante. Durant les années 1960-1970, j’ai peint plus de 300 toiles à l’huile. En 1978, ma première exposition personnelle a eu lieu rue Malaïa Grousinskaïa ; elle montrait cinquante toiles de la période métagéométrique. L’ambiance de l’exposition correspondait parfaitement à mes tableaux, ce qui est très important pour tous les peintres. Une partie de ces toiles est dans mon atelier, une autre en Allemagne, en Suède, en Autriche, en Italie et aux USA.
En 1980, j’ai commencé à faire des collages et des gouaches sur carton, tout en continuant de peindre. Quinze ans durant, je n’ai fait que regarder vers le ciel. Il n’y a que depuis ces deux dernières années que je regarde vers la terre. Le figuratif et le noir, ainsi que l’ocre sombre en sont témoins. Comme auparavant, je travaille beaucoup. Mes sympathies sont les mêmes, Vladimir Soloviev et Kazimir Malevitch. J’aime l’art mais pas le moderne. Je passe toujours mes vacances d’été à la campagne à pêcher. Seulement, j’ai changé de rivière. Maintenant, c’est la Vietlouga au lieu de l’Oka et le village de Pogorielka au lieu de Taroussa. Quinze ans de vie à Pogorielka ont donné naissance au cycle de mes tableaux des années 1985-1987.
E. Steinberg
Septembre 1987