Né à Kiev, en Ukraine, Alexander Archipenko (1887–1964) grandit à une époque de profonds bouleversements politiques et culturels. Dans les années précédant la Révolution russe, la région était marquée par un fort élan nationaliste et par une effervescence artistique qui influencèrent profondément le jeune sculpteur.
En 1902, il intégra l’École d’art de Kiev, où il étudia la peinture et la sculpture. Déçu par un enseignement qu’il jugeait trop académique et conservateur, il fut expulsé en 1905 après avoir critiqué ouvertement l’institution. Après un bref passage à Moscou, il s’installa à Paris, où il rejoignit l’avant-garde artistique qui explorait de nouvelles formes d’abstraction.
Entre 1910 et 1920, Archipenko vécut une décennie décisive. Installé à Montparnasse, il développa un langage sculptural personnel inspiré du Cubisme, jouant sur les oppositions entre vide et plein, convexité et concavité. Des œuvres comme Walking (1912–18/1935) et Dance (1912/1959) traduisent sa volonté d’intégrer la notion de mouvement dans la sculpture. En inversant les rapports entre masse et espace, il donna au vide un rôle central dans la représentation du corps humain.
Archipenko participa à de nombreuses expositions internationales, notamment à la Biennale de Venise en 1920, où il fut reconnu comme une figure majeure de la sculpture moderne. En 1921, il s’installa à Berlin avec la sculptrice Angelica Forster, qu’il épousa peu après. Soutenu par la critique allemande, il fut célébré comme un pionnier d’une esthétique tournée vers l’avenir.
Face à la crise économique d’après-guerre, le couple émigra en 1923 à New York. Archipenko y trouva un nouvel élan et mena des expérimentations audacieuses autour du mouvement et de la lumière, notamment avec Archipentura (1924), une machine peinte destinée à simuler un déplacement lent de l’image, comparable au cinéma. Parallèlement, il réalisa des sculptures plus classiques, telles que Diana (1925) ou Nocturne Torso (1926), affirmant que le naturalisme restait pour lui un exercice de rigueur, « comme les gammes pour un musicien ».
Professeur passionné, Archipenko ouvrit plusieurs écoles d’art en Europe et aux États-Unis. Il enseigna à Paris, Berlin, New York, Los Angeles et Chicago, notamment au New Bauhaus fondé par László Moholy-Nagy, partageant avec lui un intérêt pour la synthèse entre art, design et technologie.
Dans les années 1930, installé sur la côte Ouest, il expérimenta la céramique et la terre cuite, cherchant à unir volume, couleur et texture. Son approche novatrice du matériau, éloignée des traditions du bronze et du marbre, fut saluée par la critique. De retour à New York, il acquit une propriété à Bearsville (NY), où il établit un atelier et une école qui restèrent actifs jusqu’à sa mort.
Toujours à la recherche de nouveaux moyens d’expression, Archipenko se tourna dans les années 1940 vers les matériaux modernes comme le Plexiglas. Il parla alors de « sculpter la lumière », exploitant les jeux de transparence et d’illumination pour renforcer la dimension spirituelle de ses œuvres, comme Moon (1947).
Malgré la disparition de son épouse en 1957 et son retrait progressif de la scène new-yorkaise, Archipenko demeura créatif. Dans les années 1950, il publia Fifty Creative Years, ouvrage rétrospectif où il exposait sa philosophie artistique, et réalisa une série d’œuvres colorées et expérimentales, parmi lesquelles Revolving Figure (1956) et Cleopatra (1957).
Jusqu’à sa mort en 1964, Alexander Archipenko n’a cessé d’explorer les rapports entre matière, lumière et mouvement. Par son esprit d’innovation et sa fusion constante de la forme et de l’espace, il demeure l’un des pionniers de la sculpture moderne.