1910 – 2007 : Après des tranches de vie déjà bien remplies comme sportif de haut niveau (lutte grécoromaine,équipe de France de volley ball en 1934) ; styliste de mode pour Patou, Chanel, Lanvin… ; peintre ; reporter photographe ; résistant sous le pseudonyme Lucien Hervé qu’il conservera ; il se consacre entièrement à la photographie vers 1947. Résolument tourné vers la modernité, dès ces débuts son oeuvre s’inscrit dans la lignée des avantgardes de l’entre-deux-guerres : Germaine Krull, Moholy-Nagy et autres disciples de Bauhaus.
Son inspiration, il la recherche dans la peinture expressionniste et constructiviste, les films russes d’avant-guerre, ceux d’Eisenstein en particulier, ainsi qu’au cinéma expressionniste allemand de Fritz
Lang ou Georg Wilhelm Pabst.
En décembre 1949, il se rend de sa propre initiative à Marseille pour photographier le chantier de l’Unité d’habitation de Le Corbusier. « Monsieur, vous avez une âme d’architecte », lui dit Le Corbusier à la réception des 650 clichés du bâtiment. Commence alors une intense collaboration avec l’architecte qui lui commandera des reportages sur toutes ses réalisations.
Parallèlement, il travaille pour les plus grands architectes internationaux et français : Alvar Aalto, Marcel Breuer, Georges Candilis, Michel Ecochard, Richard Neutra, Oscar Niemeyer, Henri Pingusson, Kenzo Tange, Bernard Zehrfuss… et pour ses amis : Charlotte Perriand, Jean Prouvé et Pierre Jeanneret à Chandigarh.
Dans ces années difficiles de la reconstruction en Europe, ce globe-trotter infatigable travaille avec les moyens du bord, armé de son seul Rolleiflex 6X6, sans cellule. Hervé précise : « mon appareil m’a naturellement poussé à inventer une nouvelle façon de regarder l’architecture […]. J’ai souvent utilisé le cardage oblique, la plongée et la contre-plongée, pour éviter de me soumettre aux lois optiques. Pris frontalement, sans déformation, un bâtiment sera peutêtre ressemblant, mais est-ce là le rôle de la photographie ? La vérité n’est pas dans l’exactitude. Il faut parfois utiliser des moyens détournés pour exprimer l’essentiel. »
En 1965, il est atteint par des premiers symptômes de la sclérose en plaque. Limité de plus en plus dans ses déplacements, il poursuit avec une passion quasiobsessionnelle le recadrage aux ciseaux de ses tirages papiers. Hervé déclare : « Je n’accepte pas la pellicule et la vision de l’appareil comme définitives. Je considère qu’une photo se construit autant qu’un bâtiment, comme toute oeuvre d’art d’ailleurs… » A la question de Le Corbusier : « Comment avez-vous commencé dans la photographie ? », il répond : « Avec des ciseaux ! »
Hervé n’est pas très soucieux de la qualité technique de ses tirages photographiques, qu’il développera longtemps lui-même. Ce que lui reprochera parfois Le Corbusier. Pour lui, l’essentiel est ailleurs. Il conserve tout. Il affectionne les contrastes, ces images étranges, éblouissantes de la lumière blanche ou ces ambiances nocturnes qui le fascinent. Dès ses débuts, Hérvé réalise des photos tendant vers l’abstraction et le minimalisme.
Hervé, Lucien
PUBLICATIONS
ÉDITIONS
novembre 19, 2015 / ÉDITION 9